Pour la route, deux photos tout de même, en cette radieuse journée où je sacrifiai au tourisme de masse en arpentant la Cité Interdite. Prises du haut de la Colline du Charbon, au coeur d'un immense parc au centre de la ville, face à la Cité. Vers le nord, la ville géante et ses contrastes, toits des temples et gratte-ciels, mer de verdure et lumière blanche. En contrebas, des touristes chinois ravis qui jouent aux empereurs..... La suite bientôt.
La vie - et la nuit...- pékinoise étant ce qu'elle est, il est mathématiquement impossible de tenir un Journal photographique au quotidien, réalisé-je au bout de quelques jours. Surtout quand on multiplie les angles et points de vue sur cette ville kaléidoscopique. La suite sera donc en différé.... Certains blogueurs-voyageurs postent tous les jours, je ne sais pas comment ils s'y prennent... Peut-être qu'ils ne dorment pas du tout. Ou qu'ils ont des assistants. Ou qu'ils ont cette rare capacité à vivre, penser, photographier, ordonner et commenter en même temps.... Le petit mot d'Alessandro Rolandi, écrit sur le mur à l'entrée de son exposition vidéographique à Caochangdi, résume bien tout ça, m'a-t-il semblé.
Pour la route, deux photos tout de même, en cette radieuse journée où je sacrifiai au tourisme de masse en arpentant la Cité Interdite. Prises du haut de la Colline du Charbon, au coeur d'un immense parc au centre de la ville, face à la Cité. Vers le nord, la ville géante et ses contrastes, toits des temples et gratte-ciels, mer de verdure et lumière blanche. En contrebas, des touristes chinois ravis qui jouent aux empereurs..... La suite bientôt.
2 Commentaires
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Pékin, jour 2. Le ciel est tout blanc, il fait chaud et brumeux. Par un obscur concours de circonstances, nous sommes momentanément privées de nos cartes bancaires. Que font deux filles brutalement et injustement privées de leurs cartes bancaires? Du shopping, bien entendu, avec le fond des poches. Consolation au lin léger, chemises douces vert-de-gris et ardoise, écharpes semées de petits chats rouges à l'air satisfait (oui, c'est un post anecdotique, mais je suis en vacances, aussi). Balade au petit bonheur dans le Houhai, quartier central de Pékin qui regroupe cinq lacs artificiels et leurs environs, où se tiennent tours majestueuses et temples discrets. Nous quittons les hutongs et leur enchevêtrement savant, envahies de tas - innombrables tas, de sable, de terre, de gravats, de briques, de... choses -, pour un quartier plus apprêté et reconstruit pour l'oeil touristique. Léger côté Disneyland.... Boutiques proprettes, musiciens, odeurs mêlées du tofu grillé et des churros. Etrange ambiance autour du lac : des bars innombrables alignent leurs terrasses, poussés comme des champignons ces dix dernières années, vides ou quasiment. A l'intérieur, des petites chanteuses, chanteurs, déclinent des mélopées sentimentales et autres tubes revisités, et des jeunes types fatiguants nous pressent d'entrer.... De l'extérieur, les chanteurs paraissent encagés, sinistrement seuls et impavides sous les sunlights roses. Les musiques se mélangent dans la rue et nous pressons le pas pour échapper à la cacophonie. Comme partout à Pékin, la foule est diverse, mélangée, tranquillement indifférente. Des promeneurs, des touristes, des vélos, des scooters surchargés - et toujours merveilleusement silencieux, j'envisage d'en ramener un en pièces détachées -, des personnes âgées qui font de l'exercice dans des parcs de gymnastique avec une vigueur désarmante, des militaires aux visages enfantin, défilant au pas de l'oie, des pêcheurs qui perdent leurs lignes et leur regard dans les eaux verdies, se fichant bien du spectacle derrière eux. L'hiver, on fait ici du patin à glace; l'été, on ose parfois s'y baigner. A l'extrémité du plus grand lac dont nous faisons le tour, l'ambiance est beaucoup plus calme et de magnifiques villas s'entourent de murs comme des murailles. Domiciles de gouverneurs et de ministres, dont l'importance se mesure à la quantité de gardes, drapeaux, et à l'épaisseur des murs qui masquent de larges baies vitrées (sic). Le soir tombe vite, et en revenant vers le centre, au loin sur les autres rives s'allument d'innombrables lumières, rouges et bleues, bars par dizaines, boîtes de nuit, tumultes et clameurs. Tout ça est fascinant, mais je suis ravie de rejoindre le calme et la discrétion des hutongs. Avec cette brume légère la lumière, blanche ou colorée, se diffuse et nimbe les formes d'un halo délicat. Je regrette de ne pas avoir emporté de pied pour mon appareil, mais j'attrape comme je peux la silhouette massive d'un temple rouge sur le ciel presque noir, et les échafaudages qui entourent la construction d'une station de métro, surplombant la ville d'audacieuses structures penchées. Dans les hutongs, les gens discutent sur les pas de portes, jouent aux cartes dans un noir quasi complet, font griller viandes et légumes, les fumées s'élevant dans l'air doux. Des enfants crient et rigolent. Et l'orage éclate, faisant crépiter la pluie sur les toits et zébrant le ciel. Je me demande comment ça se passe, dans ces petites maisons qui semblent parfois de bric et de broc, et à ras du sol.... La journée se termine au Café de la Poste, où l'on sert du Bourgueil impeccable et du tartare. On y mange bien et on y boit sérieusement, et bien entendu, on fume. C'est une soirée James Bond. Des films sont projetés au plafond, les enceintes crachent les standards de la série et des types en costard jouent au poker au milieu de la salle. Je rencontre une autrichienne qui me rappelle Marlène Dietrich, un américain qui ouvre à côté un bar - thème "Miami", du rose, du bleu et du contre-jour -, un argentin passionné de cinéma muet, des françaises expatriées, des gens sur le départ, d'autres qui arrivent, des quatre coins de la planète. Ambiance légèrement surréaliste et burroughsienne (avant le peyotl, tout de même). James Bond évacué, le patron passe du AC/DC, et la conversation reprend, jusque très tard dans la nuit. J'aime beaucoup cette ville. (cliquez sur la photo pour lancer le diaporama) Pékin, 20 millions d'habitants, 6 périphériques, 80 km d'est en ouest... et au milieu de ce dédale mon amie Daphné Mallet, à qui je rends visite pour 15 jours. Outre qu'elle est une excellente photographe, Daphné ouvre en mai une petite galerie dans sa maison de Dongcheng, l'un des rares quartiers préservés de la capitale chinoise, en voie de modernisation accélérée. Et samedi prochain débute le festival Photospring - Arles in Beijing : un mois durant, expositions, rencontres, colloques vont se succéder autour de la photographie contemporaine. Une visite à point nommé, donc..... Dans ce petit Journal, je posterai des nouvelles du Festival et quelques photos glanées ici ou là au gré de mes pérégrinations.... Jour 1 - Après 12 heures d'avion, je rêve d'une douche et d'une sieste.... Mais ce programme attendra car nous filons à Caochangdi. Caochangdi tient à la fois de la zone suburbaine en travaux constants, du village et de la résidence d'artistes à grande échelle : de nombreuses galeries ont ouvert ici ces dernières années (c'est là qu'Ai Wei Wei, dont une rétrospective a lieu en ce moment au Jeu de Paume à Paris, tient son studio comme on tient une position militaire). Dans le studio de l'artiste belge Olivier Modr, très bel espace blanc et clair, Daphné organise l'exposition des photographies d'Inan Wang, et il s'agit de procéder à l'accrochage.... Il fait chaud, le ciel est vaguement gris, les avenues énormes s'emplissent d'étranges vélos à moteur silencieux géniaux dont il faudrait lancer la production à grande échelle à Paris! A Caochangdi, nous croisons des occidentaux à vélo, des taxi cahotant dans ce labyrinthe dont les rues sont dépourvues de nom, des chinois tirant des brouettes chargées de capharnaüms divers et des ouvriers qui s'affairent dans tous les sens. Une pause Chez Jason, qui nous sert les meilleurs concombres de la planète et une bière qui me ranime vaguement. Je réalise qu'on peut fumer, ici, partout, et c'est une excellente nouvelle.... Dans le studio d'Olivier, je découvre les photos d'Inan, dont la série Passage développe un travail sur le flou : la couleur en vaste pans fondus les uns dans les autres, paysages sombres saisis à travers des vitres trempées de pluie, silhouettes évanescentes, jeux de fermetures à l'iris construisant des espaces circulaires. Le soir venu, nous sortons dîner dans les Hutong, petites rues enchevêtrées où s'agglutinent maisons de plain-pied, immeubles bas et restaurants délicieux. Je n'avais jamais "mangé chinois", avant, disons. La leçon du jour : ne jamais croquer le poivre du Sechuan, sous peine d'avoir la langue paralysée pendant 10 minutes. Avant de sombrer pour 12h dans les bras de Morphée, je lis ceci dans le livre génial de Muriel Barbery L'élégance du hérisson : "(...) construire, maintenant, quelque chose, à tout prix, de toutes ses forces (...) Gravir pas à pas son Everest à soi et le faire de telle sorte que chaque pas soit un peu d'éternité". Aymeric a gentiment posé devant mon objectif son élégance, et ce regard direct que j'ai voulu mettre en avant en épurant au maximum tout le reste. Pour voir quelques-uns des portraits réalisés ensemble, on peut cliquer sur la photo....
Aymeric, comédien, au bar Les Foudres à Paris. Photographié avec un Nikon F80 argentique, en lumière naturelle. Je ne pense pas qu'il soit possible d'obtenir une telle qualité de flou à l'arrière-plan avec un numérique, surtout à 3,5mm d'ouverture. Sans parler de la façon dont la lumière, assez forte, souligne la matière doucement sans cramer l'image. C'est dans les vieilles marmites...
Victoria Housez représente en France le World Fashion Channel. Pour découvrir les photos que nous avons faites ensemble, cliquez sur l'image....
Boutique Hamm, décembre dernier. J'essayais de faire une photographie musicale... qui évoque la musique. J'avais emmêlé des pianos en surimpression, à l'agrandisseur (là). J'aurais pu tirer celle-là, aussi, que je viens de retrouver dans un tiroir oublié. Il faudrait la tirer en très grand format. En attendant, on peut cliquer dessus pour l'agrandir...
Victoria Housez, ce matin au bar Les Foudres à Paris. Victoria avait besoin de quelques portraits. Pour échapper au sempiternel fond blanc, je l'ai emmenée dans mon bistrot préféré, pour son beau bar arrondi et cuivré, la sympathie du patron et des serveurs qui me laissent photographier tranquillement entre deux cafés. Il faisait tout gris dehors, mais à ce moment-là un petit rayon de soleil est venu éclairer son t-shirt blanc, et donner un peu de volume à la photo... Quelques types au bar se fichaient bien d'être dans le champ, encadrant la jeune femme qui se baladait du comptoir aux tables de bois sombre. Bref, un décor parfait. Toute la série de nos portraits à suivre bientôt.....
Alice, hier. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, elle n'était pas en train de dormir, mais de dessiner. Très longtemps et très patiemment. Il y avait un rayon de soleil dans ses cheveux, tout ça était très joli et paisible, et j'ai fait quelques photos. Beaucoup de photos à vrai dire, et au 50 mm donc très près de son visage, ce qui la laissait parfaitement indifférente. J'ai fini par lui demander si ça ne la gênait pas que je la photographie ainsi, tout près, elle m'a regardé avec un grand sourire bienveillant : "Non, pas du tout. De toutes façons, toi, tu espionnes toujours les gens, avec ta machine". Je ne sais pas très bien comment je dois le prendre....
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Avril Dunoyer |