Madeleine a 18 mois. Princesse d'un royaume protégé par ses trois grands frères, elle a l'assurance et l'autorité des fillettes adorées. Elle grimpe l'escalier à toute vitesse, dévore une demi-plaquette de chocolat en dix secondes, étale de la brioche sur les genoux de son père, laisse sa mère attacher une barrette rose dans ses 4 cheveux et demi, ce qui fait bringuebaler sa tête comme celle d'un pantin de bois, crie, tempête, proteste, rigole, atteint le 8 km/h au 4 pattes d'après mes estimations, et traverse l'appartement en tous sens, en moulinant de ses petites jambes.
Lorsque j'arrive, Madeleine est un peu sombre. Elle n'a pas dormi. Dans ses yeux d'orage bleu crépitent des débuts d'éclair. Heureusement qu'il y a le chocolat. Pour la faire rire, je colle mon objectif à deux centimètres de son nez. Les vraies princesses aiment jouer dans les flaques en oubliant le protocole. Elle est d'accord. Elle pose, va et vient, parfaite, charmante, roule par terre, éclate de rire, m'offre tous ses profils. Et puis elle m'oublie, et part s'inventer des minimondes sur la terrasse, dans sa bulle. Sur cette photo, avec son teint pâle et sa petite bouche dessinée, elle me fait penser aux enfants dans les films de Chaplin.