Ambroise Sabbagh, Lucie Digout, Mayya Sanbar. Répétitions d'Une année, l'amour à l'Essaïon, hier.

Une année, c'est le spectacle sur lequel Lucie et moi travaillons depuis... longtemps, et dont je parle là. 
Depuis les premières représentations à l'Ecole du Jeu, nous avons ajouté des scènes, du texte, changé le dispositif; l'un des comédiens, blessé, a du être remplacé... et Ambroise est arrivé, avec le défi d'apprendre un long monologue et toute la mise en scène en trois semaines. Nous jouons à partir du 19 à l'Essaïon.

Petite pression, donc.

J'ai choisi cette photo parce qu'elle résume très bien tout. La concentration, l'écoute, ce lent et beau travail du corps qui cherche sa place, son rythme, être ensemble. Et la qualité de metteur en scène de Lucie, sa posture. L'intensité avec laquelle elle regarde ses comédiens, explique, montre, propose, sans se mettre à leur place; les mots qui fusent, qui claquent et stoppent, encouragent, cherchent, reprennent, accompagnent. 
J'entends aussi le doute, l'anxiété, la peur. Mais bien cachés derrière l'efficacité du travail et ce mantra commun : on va y arriver. 

Toutes les photos de la répétition sont visibles ici

Mayya Sanbar, comédienne. Mayya, c'est d'abord un grand, beau, éclatant, joyeux, communicatif, spontané, spirituel, interminable rire. 

Cette photographie est donc dédiée au rire de Mayya. 

N. a huit ans presque neuf. On pourrait dire de son prénom, comme d'une autre fille à trois syllabes : "the tip of the tongue taking a trip of three steps down the palate to tap, at three, on the teeth" (Nabokov). 
Elle a l'exotisme des filles très pâles dont le cheveu vénitien flotte à force de légèreté, et fleurit son français de parenthèses russes incompréhensibles et chantantes. 
Pour se faire photographier, elle a piqué à sa mère un magnifique feutre d'un bleu électrique et dense, beaucoup trop grand pour elle, et remis une robe antédiluvienne taille 6 ans, logiquement portée sur un jean, l'association des trois dénotant un sens du chic certain. Lorsqu'elle arrive dans le salon, elle me fait penser à Joan Baez, à une version angélique de Janis Joplin et à un film de Woody Allen. 
Ses gestes sont vifs, elle s'installe rapidement, comme une petite fille qu'elle n'est plus, et plie docilement ses jambes interminables, ses longs bras, comme je le lui demande. N. a la distance polie des filles bien élevées et pose gentiment avec beaucoup de patience, je pourrais la photographier sans que ça l'embête pendant des heures.  Dans le cuir fauve du petit fauteuil, je la trouve parfaite. 

Par ailleurs, N. est violoncelliste, très forte en mythologie grecque et pratique assidûment le football.