La mariée en méditation
La photographie de Kimiko Yoshida fait partie de la collection personnelle de Daphné Mallet, qui ouvre ce mois-ci à Pékin une galerie d'art contemporain. Je pourrais passer des heures à la regarder, elle provoque un sentiment de grande quiétude. D'abord parce qu'elle est épurée, zen et douce, invitant à la méditation, mais aussi parce que son rythme propre fait entrer son spectateur dans un état légèrement hypnotique. Ce rythme, ce mouvement ténu, naissent du battement entre l'avant et l'arrière-plan, de ces deux corps joints en parfaite harmonie et complètement hétérogènes en même temps. Le corps de Kimiko est "derrière", mais ses yeux font aussi partie de la coiffe du Bouddha, comme sur le même plan. Les corps ont des postures et des formes similaires, mais l'un est vivant, l'autre de pierre, l'un noir et blanc, l'autre en couleurs, l'un lisse, l'autre rugueux, l'un d'aujourd'hui, l'autre vieux de 1100 ans. Le jeu des yeux de Kimiko, à la fois devant et derrière, lie ces opposés et les marie sans les annuler. Le regard va de l'un à l'autre, dans un mouvement sans fin.
Jiali & Daphné
Directrice d'une galerie d'art à Pékin pendant cinq ans, Daphné a ensuite fondé Jiali (la maison), à distance des centres d'art pékinois - de vastes quartiers, comme à Caochangdi dont les énormes galeries ont été dessinées par Aï Weiwei, où artistes et galeristes ouvrent leurs studios aux visiteurs -, en installant sa petite galerie dans sa propre maison. Il ne s'agit pas tant de "voir de l'art" que de le vivre, en s'installant dans la galerie comme on visiterait un ami. De prendre le temps, assis sur un canapé, de contempler les oeuvres, et d'en discuter in situ avec la curatrice et l'artiste. De se plonger dans un livre ou un catalogue, confortablement.
Distance géographique aussi : en ouvrant Jiali dans une hutong, une de ces petites rues anciennes au coeur de Pékin, encore préservées de la modernisation accélérée de la ville, Daphné fait le pari d'accueillir leurs habitants et de créer des liens entre eux et les artistes internationaux qu'elle expose. De rendre poreuse la frontière entre le monde de l'art et les gens, entre l'art et la vie, le public et l'intime, l'ancien et le contemporain.
Inan Wang
Pour sa première exposition, actuellement en cours, Daphné a choisi de montrer le travail photo et vidéographique d'Inan Wang. S'inscrivant dans le cadre du festival Photospring, elle fut d'abord exposée dans le vaste studio d'Olivier Modr à Caochangdi, avant d'émigrer dans le quartier du Dongcheng où se tient Jiali. Réalisant un petit reportage sur la galerie, j'ai donc photographié cette première expo hors les murs, puis la galerie habillée pour l'occasion de quatre photos collectionnées par Daphné, et de cinq autres qu'elle a elle-même réalisée lors d'un long voyage routier entre la Chine et la Mongolie.
Jiali vient de naître, on lui souhaite une longue et belle vie....
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