Je lui avais confié mon Pentax... Mon premier appareil, un argentique manuel acheté d'occasion avec un 50 mm. Il est lourd, compact dans la main, il faut armer au doigt, l'insertion de la pellicule est délicate, la netteté pas évidente à trouver, les enfants l'adorent. Ils font toujours très attention, se tiennent bien droits, visent avec soin. Et découvrent, souvent, la pellicule, dont Emilien aura du mal à saisir la fonction, interloqué par cette limitation à 36 vues. Avec ce champ-contrechamp bien ajusté, où nous avons shooté exactement au même moment, il verra peut-être la différence... Le noir et blanc doux et propre du numérique, nuancé de gris, lisse, plat malgré le volume des figures et le floutage de l'arrière-plan. La précision des détails, chaque cheveu bien visible, la netteté de l'ensemble. Et le noir et blanc sourd, lourd, presque brun, de l'argentique - qui a d'ailleurs plutôt bien apprécié le contre-jour -, la qualité des reflets et des contours, le jeu graphique des masses, le côté tracé, dessiné, le contraste un peu brutal, la matière et son grain. Deux mondes qui se font face...
Habitué à l'appareil numérique, Emilien a liquidé la pellicule en dix minutes. Au milieu de photos sous-exposées et floues, j'ai aussi trouvé ça, étrange et beau cadrage improvisé, qui démontre l'assurance du petit photographe : quand son frère a bondi au milieu, il a quand même pris la vue qu'il cadrait. Le scan maladroit du labo a fait apparaître le bord de l'image, ajoutant à son étrangeté....