Plage de Trouville, en décembre, au crépuscule. Je voulais créer une silhouette fantôme, c'est-à-dire prise en mouvement avec un long temps de pause (ici, une seconde). Mais davantage que la silhouette en elle-même, j'aime ce qui se passe dans les vagues, l'agitation du second plan, et les multiples détails des vagues retombant les unes sur les autres.
A propos de détails, cette photographie argentique a été scannée par un labo parisien bien connu et bon marché. Le résultat des scans est plus qu'aléatoire. En l'occurrence, je dirais que le négatif a été plongé dans l'eau, plié en quatre, puis qu'on a marché dessus avant de l'enterrer trois jours dans la forêt, pour obtenir cette curieuse pluie de bulles dans le ciel, et les diverses traînées qui traversent l'image. A une époque où n'importe qui peut photographier l'intimité d'une mouche avec la netteté et la précision d'un microscope, le traitement réservé aux négatifs argentiques laisse songeur. Cependant, au lieu d'atténuer ces défauts, je les ai accentués en contrastant la photo : par les accidents visibles à sa surface, la pellicule apparaît, avec son grain particulier et sa matière. Bulles, traînées et mouvements fantomatique des vagues et de la silhouette rompent aussi avec la raideur de la composition...
Et finalement, ces apparitions aléatoires renforcent le projet initial de la photo : capter le mouvement dans sa durée, atténuer les effets narratifs (qui, quand, où, que fait-il) au profit du mouvement photographié.