Au printemps 2008, je travaillais sur un petit film adapté d'une nouvelle de Hermann Hesse, Une ville touristique du midi. En traversant Paris du sud au nord et d'ouest en est, je photographiais tous azimuts pour éprouver le cliché... Comment la ville est mise en scène pour le regard, perspectives magiques des ponts, alignement des monuments et des rues, perfection des jardins, repoussant la vie réelle vers ses bords gris. Quelle est la limite de la ville-musée, de la ville pittoresque? Comme, dans sa nouvelle, Hesse parle d'une ville tout entière réalisée pour l'oeil touristique, et dont la réalité se dissout hors de frontières parfaitement localisées. Bref, je chassais le cliché, et le cliché m'a rattrapée sur ce quai près de la Concorde. Cliché parisien, la Seine, la péniche, mais aussi cliché de cinéma, image-motif qui semble naviguer jusqu'à nous depuis L'Atalante, de Jean Vigo. Image mal accordée à la date de sa prise de vue, qui réactive le souvenir et l'installe dans le présent. Le linge blanc à volants, les torchons rayés, les cordages enchevêtrés, les noirs profonds et les blancs saturés des reflets, la barque à contrejour et prête à servir à l'équipage qui vivait vraiment là, en se fichant pas mal des touristes. Comme un pied de nez à mon projet, Paris ne se laissait voir qu'à travers des strates de temps, tous aussi vivants les uns que les autres.
1 Commentaire
Lu
20/10/2011 18:28:44
"Image mal accordée à la date de sa prise de vue, qui réactive le souvenir et l'installe dans le présent."
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Avril Dunoyer |