Elle a l'exotisme des filles très pâles dont le cheveu vénitien flotte à force de légèreté, et fleurit son français de parenthèses russes incompréhensibles et chantantes.
Pour se faire photographier, elle a piqué à sa mère un magnifique feutre d'un bleu électrique et dense, beaucoup trop grand pour elle, et remis une robe antédiluvienne taille 6 ans, logiquement portée sur un jean, l'association des trois dénotant un sens du chic certain. Lorsqu'elle arrive dans le salon, elle me fait penser à Joan Baez, à une version angélique de Janis Joplin et à un film de Woody Allen.
Ses gestes sont vifs, elle s'installe rapidement, comme une petite fille qu'elle n'est plus, et plie docilement ses jambes interminables, ses longs bras, comme je le lui demande. N. a la distance polie des filles bien élevées et pose gentiment avec beaucoup de patience, je pourrais la photographier sans que ça l'embête pendant des heures. Dans le cuir fauve du petit fauteuil, je la trouve parfaite.
Par ailleurs, N. est violoncelliste, très forte en mythologie grecque et pratique assidûment le football.