Au demeurant, je remarque avec Maxime un autre étrange phénomène, qui n'a pas tant à voir avec la photogénie, au sens large, qu'avec cette étanchéité qui rend certaines personnes plus photographiables que d'autres.
Je trouve extrêmement difficile de poser : quand il m'arrive d'être face à un objectif, j'ai l'impression que mes yeux fondent, que mon visage se disloque et que mon front devient carré. L'appareil efface complètement la personne qui le tient, et la situation glisse dans un abîme d'absurdité. Parfois, les modèles s'installent devant moi et je les vois plonger dans cette dislocation désagréable - il faut alors beaucoup parler pour que l'appareil pèse moins dans son impudence technologique, arrête de découper le visage en morceaux, et que la personne se rassemble (au lieu de se ressembler dans un effort douloureux).
Or certaines personnes, dont Maxime, résistent d'emblée à la dislocation, avec une aisance qui me laisse admirative et perplexe. Leurs yeux restent en place, aucune panique ne brouillent leurs traits, ils restent retranchés en eux-mêmes, tout à fait présents mais un peu lointains, dans une distance qui les protège. C'est très agréable de les photographier, on n'a jamais l'impression de leur voler quelque chose.
Concernant Maxime, cette photo n'est pas la meilleure de la série, mais c'est la première (et la première fois qu'il pose). En général la première photo est loupée : elle introduit la prise de vue - on cherche, disons, un plan commun. Certaines personnes comme ça arrivent, s'installent, et ont exactement le regard, le sourire, la présence qui conviennent pour démarrer, et l'intendance suit (la lumière, l'angle, l'échelle, tout le bazar technique). Il n'y a qu'à les suivre. C'est fascinant.
Le mini-book de Maxime, à voir là